Si l’on s’en remet aux sondages, ces machines à juger instantanément, le Président Hollande n’aurait pas vraiment convaincu les Français lors de son intervention télévisée de jeudi dernier. Malgré une certaine hauteur de vues sur les questions internationales, une réaffirmation de son rôle de seul maître à bord et une prise de distance imagée (« J’ai le cuir solide ») à l’égard des études d’opinion, il aurait laissé sur leur faim près de deux tiers des téléspectateurs. Il va bientôt falloir prendre le mot faim au pied de la lettre puisqu’on nous annonce une baisse historique du pouvoir d’achat.
Et c’est justement sur les sujets économiques et sociaux que le Président de la République était attendu. Pour exprimer sa détermination et sa longue préparation, il a déclaré, de façon étonnante : « J’ai une boîte à outils ». On sait bien que rien n’est laissé au hasard dans la communication politique moderne. Peu importe que les outils s’appellent banque publique d’investissement, pacte de compétitivité, emplois d’avenir ou autres contrats de génération – du gros outillage quand même – le recours à cette formule avait un objectif précis. Il s’agissait d’offrir, grâce à l’image bonhomme et familière de la caisse à outils, le visage d’un président proche des Français dans leurs préoccupations quotidiennes et leurs représentations habituelles.
Mauvais calcul. Le cliché était mal choisi. Il fallait du churchillien, à la rigueur du gaullien, et cette boîte à outils bien inopportune renvoyait aux clichés de l’artisan et du bricoleur. Dès le lendemain, les internautes et les twitterophiles se déchaînaient autour d’une petite caricature de F. Hollande en Mr Bricolage, publicité gratuite pour l’enseigne du même nom. Or dans l’esprit de nos concitoyens, le mot « bricolage » évoque, pour le meilleur, le plombier surchargé qu’on appelle en vain dans les chansons de Pierre Perret ou, pour le pire, ces travailleurs du week-end qui s’activent dans leur garage, entre un apéro-PMU et un match à la télé, à des ouvrages aussi incompréhensibles qu’inutiles tandis que leurs épouses, métaphores de Madame Merkel, s’occupent des choses essentielles.
Bref, notre bon François Hollande se trouve en butte à l’énorme Meccano industriel et financier de la mondialisation et on à l’impression qu’il demande à Jean-Marc Ayrault de lui passer une clé de 12. C’est comme réformer la Politique Agricole Commune avec une binette et un sécateur ou pourchasser les djihadistes au Mali avec un lance-pierres et un pistolet à amorces. Pas sérieux. C’est au demeurant l’impression générale que donne le pouvoir exécutif : il fait de son mieux mais sa communication reste tristounette à force de modestie.
Le Président se consolera de ces avanies avec les poèmes du « Marteau sans maître », un beau recueil de René Char.