Le dogmatisme est sans limites même et surtout, paradoxe, s’il est borné. On a beaucoup ironisé – et nous n’avons pas été en reste – sur la vision traditionnaliste étroite de la famille que les catholiques légèrement intégristes de « La manif pour tous » mettaient en avant. Un papa + une maman = un ou deux enfants, les garçons en bleu et les filles en rose. Il est vrai que les familles modernes sont parfois assez différentes de ce modèle mais il faut reconnaître aussi que cette configuration classique, si elle ne doit pas étouffer les différences et orientations personnelles, reste la plus productive, au moins au plan démographique.

C’est d’ailleurs pourquoi nombre d’entreprises ont choisi, pour valoriser leur politique familiale, un logo très banal, offert dans des banques de données et représentant sous la forme d’un découpage en papier une famille ordinaire, comme une petite guirlande où une fillette à couettes tient la main de son papa, lequel tient à son tour la main de son épouse reconnaissable à sa robe et à ses cheveux longs, tandis qu’à l’autre bout le fiston porte un pantalon comme son père. Cette image, simplette il est vrai, permettant d’identifier d’un coup d’œil une famille habituelle serait un épouvantable stéréotype sexiste et homophobe !… Tel est du moins le point de vue de l’inter-associations LGBT, pour lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels. On imposerait ainsi une vision dictatoriale et impériale d’un modèle qui, s’il a fait ses preuves rappelons-le, ne serait rien d’autre qu’un archaïsme patriarcal puisque le papa est, c’est un comble, plus grand que la maman.

Terrorisées par ce terrorisme doctrinal, plusieurs grandes entreprises ont décidé de retirer cette illustration quasiment néo-nazie de leur panoplie de communication. Reste à savoir comment on pourra illustrer demain, si toutefois on en a encore le droit, une famille quelconque dont l’image devra refléter exactement toutes les nuances sociales existantes ou fantasmées. Pas facile. Il ne manquera pas de se lever une association de bambinophiles, pour ne pas dire de pédophiles, prêts à s’étrangler car, après tout, une famille moderne peut être composée exclusivement de gosses sans plus aucune référence à cette vieillerie pétainiste que constituent les parents, qu’ils soient homos, hétéros, bi, trans ou onanistes. Ce sera difficile également de tourner les documentaires animaliers, dont on peut dire qu’ils réveillent toute la symbolique infra-freudienne de l’anthropomorphisme, car il n’est pas certain que, dans la vraie vie des bêtes, les différentes espèces acceptent des jeux amoureux sortant des savanes battues. A part les bonobos, et ce n’est pas acquis.

Pour une vision assez moderne de la vie sociale, de l’amour et de la famille, Le Monde d’avant-hier a publié un papier très intéressant. Florence Aubenas, qui se fait une spécialité du portrait pathologique acéré, a retrouvé la trace des deux adolescentes ayant défrayé la chronique voilà quelques mois quand elles avaient molesté un chauffeur de bus qui refusait de les déposer exactement devant chez elles. Accompagnées par deux copines du même tonneau, les passagères exigeantes se préparaient, à grand renfort de vodka-carambar et de cannabis, à une petite orgie programmée sous l’appellation « mission-michetons » avec des clients plutôt téméraires. Séquence hallucinée pour les « stars » et hallucinante pour le lecteur.

Une version russe de semblables militants de la déstructuration sociale peut être trouvée dans « Racailles » de Vladimir Kozlov, où la vodka règne également.